Les familles et les proches d'un adepte d'une secte ou
d'un groupe sectaire
Sur internet, ou dans de nombreux ouvrages, on trouve énormément de choses sur les sectes. Comment s'opère la manipulation, qu'est ce que cela induit chez l'adepte, etc.… On ne trouve que trop peu de choses sur les proches (qu'il s'agisse de la famille, du conjoint, ou des amis).
Pourtant, ce sont les "victimes" les plus nombreuses. Nous allons essayer de parler ici de ces personnes qui souffrent au quotidien face à l'emprise sectaire d'un proche.
Les proches sont touchés par les sectes de façon différente de l'adepte mais sont touchée au fond d'elle-même. Ayant travaille sur l'alcoolisme et sur les toxicomanies, il est évident et facile de faire des liens entre ces divers cas de figure.
Lorsqu'une personne adhère à un groupe sectaire, c'est bien souvent un changement radical qui s'installe dans sa vie ; Elle change de croyance, sa façon de voir le monde extérieur, et adopte bien souvent une espèce de stéréotypie du langage.
Dans un premier temps, l'adepte est heureux et très dynamique, il est dans ce que l'on appelle la lune de miel. Tout dans le groupe est beau, tout est intéressant, enfin il se sent compris et aimé. Dans cette période, il n'est pas rare qu'il essaye de convertir à son tour les membres de l'entourage qu'il aime, afin de leur faire partager cette joie.
Il ne faudrait pas croire que l'adepte souffre, au contraire, il est très heureux et enclin à se dépasser lui-même, il trouve un sens a sa vie. L'entourage ne le perçoit pas comme cela et se bloque. C'est le premier risque de rupture… Comment, ces proches que j'aime ne me comprennent-ils pas, ils sont comme les autres en fait, trop stupides…
Il faut savoir que le groupe va peu a peu favoriser les relations aux membres du même groupe. C'est la même chose qui se passe dans l'église, encore plus avant que maintenant mais il faut se réunir entre chrétien, se marier entre chrétien, entre catholiques, entre juifs…, et même dans la société, il faut parfois se marier avec des gens du même rang social, de la même caste.
Ceci n'est donc pas l'apanage des sectes…
Les choses vont se compliquer encore un peu lorsque l'adepte va s'approprier le proto langage du groupe. Chaque secte utilise des mots mais qui perdent leurs signifiants usuels pour se substituer à une pensée et une idée commune. Par ce biais, on parle le même langage, on se comprend entre inities, et ce faisant…les autres ont de plus en plus de difficultés à rentrer en communication, ils n'ont plus les codes…
Technique efficace puisqu'il devient impossible de critiquer ce qu'on ne comprend pas, le raisonnement en vient à changer aussi.
La famille ou les proches assistent impuissants a ce qui les dépasse, a ce qu'ils ne comprennent pas. C'est la même chose qui se produit dans l'entourage du toxicomane, il prend de la drogue pour le plaisir et ses proches refusent ce plaisir, il se sent rejeté et consomme alors davantage afin d'oublier. Chez l'adepte le risque de cette incompréhension est le même et cela peut entraîner une adhésion encore plus forte au groupe, seule communauté dans laquelle il se sent compris et non rejeté… C'est pourquoi il est primordial de ne pas critiquer ouvertement le groupe mais de s'interroger avec lui, s'il le désire sur certains points, et comprendre que tout n'est pas négatif dans ce groupe (sinon personne n'irait).
Pour l'entourage il y a souvent une espèce de rejet massif et passionnel face à cette situation.
L'entourage en souffre et sombre parfois dans la dépression ou dans une dynamique groupale symétriquement inverse…l'adhésion a une association "anti secte"…
Que les choses soient claires, je ne critique pas du tout ces organisations de défense loin de la, elles apportent un réconfort souvent nécessaire, mais il y a le risque de se surinvestir dans un tel groupe.
En fait c'est un peu comme les groupes des alcooliques anonymes, les anciens buveurs troquent leur identité "d'alcoolique" contre celle "d'abstinent" ou "d'anciens buveurs". Ce faisant ils ne règlent pas le problème et glissent d'une dépendance a l'Autre, d'une dépendance a l'objet alcool à une dépendance a cet Autre groupal, ils se créent une espèce de moi collectif, et garde leur personnalité alcoolique, ne consommant plus mais ne faisant que de parler de ca…
L'ancien adepte qui adhère ensuite a une association de ce type fait bien souvent exactement la même chose… Il ne fait plus partie d'une secte mais ne fait que de parler de ça… il va essayer de "sauver les autres", n'ayant pu se sauver lui-même a un certain moment, ou en compensation du fait d'avoir été sauve par ce groupe.
De la a dire que ces associations sont des sectes, serait une aberration certaine car heureusement ces groupes sont souvent bien structurés et il n'y a pas de gourous en leur sein…Mais la dynamique est assez proche, si un jour le responsable devenait gourou, nul doute que beaucoup des adhérents le suivraient car ils surinvestissent le groupe, des gens comme eux, qui ont vécu la même chose, qui parlent le même langage…
Concernant les proches, ils veulent essayer de réparer ce qu'ils s'estiment avoir raté. Pour eux, si l'enfant est entre dans un tel groupe, c'est bien qu'ils ont du faire quelque chose de mal… ils essayent parfois alors de trouver des imagos parentaux idéalisés au sein d'une association de défense. Est ce mal ? Je pense que cela est positif pour alléger une souffrance momentanée mais que ces personnes devraient OBLIGATOIREMENT faire un travail psychothérapique et régler leurs problèmes avant de pouvoir être aidant avec les autres. Autrement, il y a projection de ses propres souffrances et de son vécu sur l'autre. on se retrouve alors dans une relation passionnée sinon passionnelle avec autrui…
Au sein de l'ADFI que je cottoye, il y a plein de gens de bonne volonté, trop peut être pour être aidant.. Cependant la souffrance est bien souvent présente et on trouve alors des personnes qui veulent aider autrui mais qui ne sont pas maîtres de ce qu'elles font, les blessures ne sont pas cicatrisées comme on dit.
Chacun a ses convictions religieuses, politiques et il convient d'être au clair avec cela pour pouvoir être "neutre et bienveillant". Le problème est que bien souvent il n'y a pas de l'empathie mais de la sympathie, et cela peut maintenir un certain degrés de dépendance alors même que le but recherche est justement inverse.
J'adresse souvent des personnes a cette association et a d'autres mais il est souhaitable d'entreprendre conjointement un travail avec un professionnel compétent et qualifie (psychologue ou psychiatre).
Il serait bon que ces associations ne fassent que de l'information et de la prévention, mais bien souvent la demande des appelants est autre, ils veulent être compris, entendus, aimes… Face à ce transfert, il y a réponse car les personnes ne sont pas assez formées, mais aussi parce qu'elles n'ont pas toujours résolus leurs problèmes qui les ont elles même amenées à adhérer un jour a ces associations.
Ces problèmes peuvent être résolus, en faisant une formation solide (il faut que l'état fasse acte de plus grande generosite financière), en ayant fait au préalable une psychothérapie (en ayant réglé leurs problèmes), en ayant recours à des supervisions régulières de type groupe de parole (il faut encore que l'état mette la main a la poche), et en sensibilisant les futurs professionnels (psychologues et psychiatres) a ces problématiques spécifiques que sont les sectes et les groupes sectaires.